L’égyptologie revue à la lumière de la langue amazighe.

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Dans une étude sur les systèmes toponymiques de l’Egypte antique, initiée en 2012 par plusieurs universités occidentales de renom, des chercheurs en égyptien ancien, grec, copte et arabe ont été sollicités pour tenter d’apporter des réponses à la toponymie des noms de lieux.

Par Khelifa Mahieddine

Dans une étude sur les systèmes toponymiques de l’Egypte antique, initiée en 2012 par plusieurs universités occidentales de renom, des chercheurs en égyptien ancien, grec, copte et arabe ont été sollicités pour tenter d’apporter des réponses à la toponymie des noms de lieux «en raison des différentes cultures qui se sont succédé en Egypte». Douze années sont passées et aucune approche n’est venue apporter de réponses à ces travaux de recherches. Cette absence de résultat s’explique, à notre sens, principalement, par la non-invitation de chercheurs en langue berbère.

La fascinante civilisation de l’Egypte pharaonique a intéressé, depuis l’antiquité, des générations d’historiens, archéologues et astronomes. Cet intérêt n’est pas retombé de nos jours, puisque les plus grandes universités du monde occidental, à l’instar de Harvard, Yale, Pennsylvanie, Cambridge, Oxford, Manchester, Paris-Sorbonne, Montpelier, Turin, Toronto... ont des chaires d’égyptologie où sont étudiés les différents aspects de la civilisation de ce pays, dont les habitants se définissent, depuis les temps immémoriaux à ce jour, comme étant des Mis-Ra, qui signifie en berbère, fils de la divinité Ra.

Sur le plan archéologique...

L’origine de cette civilisation a donné lieu à différentes interprétations quant à la provenance des populations ayant occupé la vallée du N’il. La majorité des historiens a soutenu que la source humaine est venue d’Orient tandis que d’autres, comme G. Germain et Y./C. Gauthier, ont fait un lien entre l’Egypte antique et le monde berbère en évoquant la vieille croyance du «culte du bélier à sphéroïde», pour le premier, et la localisation de l’Atlantique à la mer Rouge de «plus de 6000 sites rupestres libyco-berbères, qui sont, parmi d’autres, d’excellents indicateurs de la présence de ces populations car elles définissent, mieux que les textes historiques, les limites de ce domaine berbérophone à travers les âges», pour les seconds.

Malgré ces indicateurs archéologiques, la quasi-totalité des historiens et égyptologues ont dressé une muraille dogmatique entre l’Egypte antique et le monde berbère, en traçant une frontière imaginaire par les oasis berbérophones de Siwa et Qara. Dans un ouvrage intitulé L’épopée berbère.

Des hommes préhistoriques aux bâtisseurs des pyramides, l’auteur de ces lignes donne une vision nouvelle de l’histoire des Amazighs. Il y soutient que des tribus de chasseurs cueilleurs ont migré vers l’Est, se sont appropriées le grand cours d’eau en le nommant N’il, diminutif de Nath-il (ceux de la rivière), non sans avoir auparavant attribué un nom à l’étendue d’eau située au Sud : Assouane, qui signifie en berbère, ils ont bu, en souvenir de l’erg Issaouène (Algérie), qu’ils avaient été contraints de quitter, suite aux graves crises climatiques survenues vers la fin du paléolithique.

A l’appui de son hypothèse, il cite S. Seidlmayer, qui situe les origines du peuplement de l’Egypte au début du paléolithique : «La découverte d’outils en pierre dans la vallée du Nil situe les traces de peuplement humain au début du paléolithique.

A cette époque, l’Egypte ne présentait pas les traits d’une culture singulière. Il faut attendre le paléolithique final entre 25 000 et 10 000 ans av. J.-C. pour en trouver les premiers témoignages. Une période d’extrême sécheresse conduit alors les chasseurs cueilleurs qui arpentaient les savanes du Sahara à rejoindre le cours d’eau du fleuve encore faible et irrégulier pour y trouver leur subsistance.»

… étymologique et linguistique

L’occupation de la vallée du N’il par ces tribus berbères a laissé des traces indélébiles dans le toponyme de ces lieux, tant il est vrai qu’il est communément admis que les appellations d’origine des noms de lieux ou de cours d’eau renvoient généralement à l’identité de leur population. En effet, la dénomination d’un nom de lieu fixe, de manière durable, un espace géographique déterminé, que ce soit pour une montagne, colline, plaine ou cours d’eau. Elle constitue, au fil du temps, un témoin historique de notre passé. Le toponyme transcende le temps et renvoie aux premiers occupants des lieux.

Dans leur langage populaire, les Egyptiens se définissent à ce jour comme étant des Mis-Ra. Or, cette appellation n’est pas propre à l’Egypte puisqu’elle se retrouve à l’origine en Algérie, où dans l’Atlas blidéen, près de Bouinan, vit depuis les temps les plus reculés la tribu des Ait Mis-Ra, à l’instar de la commune du nom de Mesra près de Mostaganem.

Si pour le terme Mis, la signification va de soi pour un berbérisant, le diminutif Ra, le gh étant avalé, est moins évidente. Ra est le diminutif du mot awragh qui veut dire, toujours en berbère, jaune, blond, doré et par extension étincelant. C’est le prénom qui était porté par le Berbère Saint Augustin et qui a donné en latin le prénom Aurélien qui a la même signification...

La similitude avec le toponyme berbère ne s’arrête par là. L’appellation du grand cours d’eau N’il renvoie aussi à l’Algérie où coule un oued près de Jijel ayant la même dénomination. Le N’ est le pronom de l’appartenance que l’on retrouve au nord comme au sud du Maghreb et Sahara central, à l’instar de Adrar N’ Djer Djer (Djurdjura), Tassili N’ Ajer...

Le mot «il» désigne, quant à lui, le cours d’eau ou la rivière. Il est d’ailleurs à noter que le laurier rose s’appelle, en berbère, «ilili» dans lequel on retrouve la racine «il» puisque cette plante pousse naturellement au bord des cours d’eau. Dans la cosmogonie égyptienne, l’eau était élevée au rang de dieu appelé Amen (littéralement les eaux). Ceci explique le fait que le N’il était aussi appelé «Yethro» qui, en berbère, veut dire «il pleure», car quand le dieu Amen pleure, ses larmes coulent en un flot ininterrompu.

Pour ceux qui seraient tentés de penser qu’il s’agit de hasards, nous relevons d’autres noms de lieux à signification et consonance berbères. Ainsi, la cité de Thinis, qui fut la capitale de la première dynastie pharaonique (3150 av. J.-C.) est la déformation grecque de Ténès (Algérie) ou Tunis, qui signifie, toujours en berbère, campement ou bivouac.

Le premier pharaon de cette dynastie s’appelait Ménès. Les voyelles n’existant pas dans l’écriture hiéroglyphique, c’est la déformation grecque de Amen-es : ses eaux à lui ou propriétaire des eaux. Ce nom se retrouve aussi dans le Sahara algérien dans le lieu-dit In Amenès. 
Ce n’est pas tout. Le 3e pharaon de cette même dynastie s’appelait Djer, qui signifie grand, géant.

Cette appellation se retrouve toujours en Algérie dans Adrar N’Djer-Djer et oued Djer (au sud d’Alger) comme dans le Tassili N’A(d)jer où existe le mont Am-Djer, littéralement comme un géant. N’ayant pas oublié leurs origines, ces tribus de chasseurs cueilleurs ont même donné le nom de Mezghouna à un lieu-dit, devenu avec le temps, une ville située à 40 km au sud du Caire, non loin de la pyramide attribuée à Amen-emhat IV. Ce nom est un dérivé du mot «amazigh» que l’on retrouve également en Algérie dans la forêt de Mezghena, près de Tablat, et aussi près d’Alger où habitait la tribu des Nath Mezghena et Mizrana en Kabylie.

Memphis était l’une des cités les plus importantes de l’histoire de l’Egypte antique. C’est la déformation grecque de Amen-Efer qui signifie en berbère à l’abri des eaux. Manéthon, le prêtre historien des dynasties pharaoniques, relate que cette ville fut fondée par le pharaon Amenès qui exigea que sa capitale soit construite à l’abri des eaux du N’il vers 3000 av. J.-C.

La signification d’Amen se traduit par les eaux et Efer veut dire caché, et par extension protégé. Les lieux-dits Ifri, Tafraoui et Frenda (ils se sont cachés là) (Algérie), Ifran et Yefren (Maroc, Libye) sont des dérivés du mot Efer et font tous référence à la grotte qui constitue naturellement un abri.

Ramsès II a voulu reconstituer, au Nord, dans le delta du N’il, la Thèbes du Sud, ville des temples où les Egyptiens allaient en pèlerinage pour laver leurs péchés (à l’origine du mot «thèbe» en arabe). Le lieu choisi pour cette nouvelle cité s’appelait Tanis (Ténès), qui devait être un ancien campement pour avoir gardé cette appellation.

Cette ville fut le berceau des rois de la XXIe dynastie et son nom est évoqué dans la Bible dans les psaumes, versets 12 à 43, pour avoir été le lieu des miracles de Moise. Au fil du temps, Tanis s’envasa, ce qui entraîna son déclin. Elle fut donc abandonnée et prit le nom de Djanet, qui signifie en berbère «abandonné», comme le fut notre Djanet (Algérie) suite aux graves crises climatiques.

Un nouveau champ d’étude pour l’égyptologie

Si l’on en croit certains égyptologues, friands de légendes, le nom d’Egypte (Aiguptos) est lié au mythe du roi Aégyptos, fils de Bélos et Anchinoé, qui aurait conquis le territoire et donné son nom au pays. La réalité est tout autre. L’ancienne cité de Gebtou, édifiée à 40 km au nord de Thèbes, est devenue au fil du temps Coptos, lorsque la civilisation grecque a pris le relais.

C’est du nom de Gebtou, déformé en Aegyptos par les Grecs, que l’on trouve l’origine de l’appellation de ce pays alors que ses habitants se sont toujours définis comme étant des Mis-Ra. Cette ville de Coptos abritait de nombreux ouvriers de carrière, tailleurs de pierre et artisans. Cette particularité a contribué à sa réputation du fait que sa main-d’œuvre était très demandée au Nord comme au Sud.

Les égyptologues ont fait des habitants de cette cité antique une particularité ethnique ayant une langue différente, alors qu’il n’en est rien dans la mesure où le substrat linguistique de l’Egypte antique est d’origine berbère. Les orientalistes et égyptologues occidentaux ont fait des Coptes un groupe humain à part en raison, principalement, de leur conversion au christianisme, comme cela a été le cas pour les Araméens dans la Péninsule arabique, alors que Jésus-Christ, lors de sa crucifixion, a prononcé cette phrase : «Allah Limada Sabactani.» (littéralement : Allah pourquoi m’as-tu devancé) qui est de l’arabe pur. (Evangile, selon Mathieu 27/46).

Il est notable de constater que pas moins d’une quarantaine de pharaons, toutes dynasties confondues, avaient, en préfixe ou en suffixe, de leur nom le mot «Amen». Dans leur mémoire collective, les Mis-Ra n’avaient pas oublié que leur migration avait pour origine un problème d’eau : d’où l’importance du mot Amen et non Amon.

D’ailleurs, lors de l’exode vers la terre de Canaan, survenu aux environs de 1350 av. J.-C., le prophète Moïse demandait à ses fidèles de ponctuer ses prières par le mot berbère «Amen». Cela explique le très fort rapport des trois religions monothéistes avec l’eau qui a été sacralisée au point où le mot Amen a pris plusieurs significations : eau, foi, croyance, confiance, protection et ponctue les prières de plus de 5 milliards de croyants à travers le monde.

L’égyptologie n’est pas une science figée. Elle évolue avec le temps et la recherche. Il est donc temps de revoir les interprétations de certains noms attribués à certains personnages sans tenir compte de l’origine berbère de cette population. Ainsi, Akhénaton, déformation grecque de Anekhi Adon, a été traduit comme «celui qui est utile à Aton».

En fait, Anekhi Adon a pour signification «Je suis ou c’est moi» Adon. D’ailleurs, dans le texte original de la Thora, lorsque Dieu s’adressa à Moïse, Il lui dit «Anekhi Yahvé Aléhoka», c’est-à-dire : «Je suis Yahvé, ton Dieu.»  Cela montre, une fois de plus, que le parler de l’Egypte des pharaons était bien l’amazigh, étant donné l’antériorité historique de la langue amazighe sur l’hébreu. Le Talmud confirme la traduction de Anekhi par : «Je suis ou c’est moi» et le considère comme le mot des mots.

La connaissance de la langue amazighe est un outil indispensable à la bonne prononciation et la compréhension de l’étymologie des noms de lieux et de personnages de l’Egypte antique. L’analyse linguistique qui ressort de l’ouvrage L’Epopée berbère ouvre de nouvelles perspectives à l’histoire des Berbères en relation avec l’Egypte antique et de l’Afrique du Nord dans son ensemble.

Elle montre que l’histoire de l’Algérie et du Grand Maghreb plonge ses racines dans des profondeurs insoupçonnées. En étudiant l’Egypte ancienne en relation avec la langue amazighe, nous pouvons mieux cerner notre passé et apprécier la richesse, la diversité et l’influence exercée par les tribus de chasseurs cueilleurs, partis de nos contrées, pour devenir l’une des plus grandes civilisations de l’histoire de l’humanité.

Source : https://elwatan-dz.com/legyptologie-revue-a-la-lumiere-de-la-langue-amazighe?fbclid=IwZXh0bgNhZW0CMTEAAR05WGjNies-35elkzflleaS6NOKwYFkCgu4cDvahh168TZjwf02zgeZ-68_aem_-PkKsz_HZMDLnTkste8aCA

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